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Marathon : Est-ce de droite ou de gauche ? La question qui divise !

La course à pied, pratique individuelle par excellence, pourrait sembler loin des clivages politiques. Pourtant, une question insolite a émergé des discussions préparatoires d’un numéro spécial de L’Équipe : le marathon peut-il être politiquement orienté ? Cette interrogation, à première vue absurde, a mené à des réflexions étonnamment profondes. Deux personnalités politiques françaises, aux convictions opposées mais partageant la même passion pour la course à pied, ont accepté de livrer leur vision sur ce sujet inattendu.

François Ruffin, député de gauche de la Somme, et David Lisnard, maire Les Républicains de Cannes, nous offrent un éclairage fascinant qui dépasse le cadre purement sportif. Le marathon, discipline exigeante s’il en est, rassemble des coureurs de tous horizons sur une même ligne de départ. De là naît l’ambiguïté : cette discipline incarnerait-elle une vision libérale où chacun se distingue par ses qualités intrinsèques et sa détermination ? Ou au contraire, représente-t-elle l’égalité parfaite, sport accessible à tous sans équipement coûteux ni prérequis sociaux ? Les réponses de nos deux interlocuteurs politiques révèlent bien plus que leur simple rapport à ce sport.

CaractéristiquesFrançois Ruffin (Gauche)David Lisnard (Droite)
Position politiqueDéputé de la Somme (groupe Écologiste et Social)Maire Les Républicains de Cannes, président de l’Association des maires de France
Expérience en course à piedPratique depuis le collège, courait le 5000mAncien boxeur et joueur de tennis, pratique le marathon depuis 2006
PerformancesCourse annuelle le 11 novembre pour évaluer son enduranceMarathon en 2h57 dans ses meilleures années, maintenant entre 3h20 et 3h35
Routine d’entraînementSorties matinales (parfois à 5h) le long du canal4 séances par semaine, entre midi et deux, avec sortie longue le dimanche
Épreuves préféréesTransbaie (course dans la baie de Somme), Trail des VidamesMarathon de Paris, Marathon Nice-Cannes, 20km de Paris, Semi d’Antibes, Trail du Galibier
Vision du marathon« Une course contre soi-même et avec les autres »« Combinaison entre inégalité de départ et possibilité de progresser en fournissant des efforts »
Valeurs mises en avantSolidarité, entraide, effort collectif, persévéranceMérite, effort individuel, dépassement personnel, responsabilité
Citation marquante« Le sens de l’effort est de gauche. Quand on est de gauche, on a l’habitude de se bagarrer contre plein de forces. »« Par l’effort, on arrive à progresser et à s’élever. »
Vision des champions africainsNon précisée dans l’article« Les Kényans et Éthiopiens réussissent car ils vivent sur les hauts plateaux et développent leur endurance depuis l’enfance »
Apport personnel de la course« Ça éclaircit les choses, ça participe à mon équilibre physique et psychologique »Engagement durable: « Je courais avant de faire de la politique et je courrai après »
Rapport à la politique« Quand j’en aurai fini avec la politique, j’aurai, pour me tenir, la course à pied et la bibliothèque d’Amiens »Distingue clairement sa pratique sportive de son engagement politique

Le marathon selon François Ruffin

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François Ruffin, figure de la gauche française, entretient une relation ancienne avec la course à pied. Coureur depuis sa jeunesse, il pratiquait l’athlétisme dès le collège, privilégiant déjà les longues distances comme le 5 000 mètres. Aujourd’hui encore, il s’échappe régulièrement à l’aube pour fouler les chemins de halage le long du canal près de chez lui. Ces moments de solitude sont pour lui essentiels, à la fois physiquement et mentalement. « Ça participe à mon équilibre, physique et psychologique, ça me décharge d’angoisses », confie-t-il. La course à pied lui apporte un mode de réflexion particulier, différent de celui qu’il expérimente lors de ses matches de football dominicaux. Pendant qu’il court, les idées « flottent » et s’organisent naturellement, créant une forme de clarté mentale bienvenue pour ce politique engagé dans de nombreux combats.

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La course à pied, une affaire collective pour le député de gauche

À la question de l’orientation politique du marathon, Ruffin répond avec nuance. Pour lui, l’essence de cette discipline ne se trouve pas dans la compétition entre individus, mais dans l’effort partagé. « La masse des gens qui courent des marathons, des trails, des 10 km dans la gadoue, en fin de compte, ils ne courent pas les uns contre les autres comme les champions mais les uns avec les autres », analyse-t-il. Il évoque sa propre expérience de la Transbaie, course exigeante dans la baie de Somme, où il a redécouvert la course à pied après ses années de jeunesse. Dans les moments difficiles, il a toujours été soutenu par d’autres participants : « Il y a toujours quelqu’un qui va à votre rythme alors on s’accroche ensemble. Vous faites le pas avec l’autre. »

L’entraide comme valeur fondamentale du coureur

Le député insiste sur la dimension solidaire de l’effort marathonien. Sur le trail des Vidames, près d’Amiens, il a vécu cette fraternité dans la souffrance : les encouragements des autres coureurs permettent de surmonter les difficultés du parcours. Ce qui l’amène à une réflexion surprenante : « les plus héroïques ne sont pas forcément les premiers mais les derniers, ceux qui malgré la souffrance vont aller au bout. » Sans vouloir récupérer politiquement une discipline pratiquée par tant de personnes différentes, Ruffin estime néanmoins que « le sens de l’effort est de gauche ». Il établit un parallèle entre l’endurance nécessaire au marathonien et celle requise pour les combats politiques progressistes : « Quand on est de gauche, on a l’habitude de se bagarrer contre plein de forces, financières, internationales. Tout cela demande de l’endurance. Le chemin est long et la pente raide. »

David Lisnard et sa vision du marathon

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De son côté, David Lisnard, maire de Cannes et président de l’Association des maires de France, pratique assidûment la course depuis de nombreuses années. Ancien boxeur et joueur de tennis, il s’est tourné ensuite vers le triathlon avant de se consacrer plus spécifiquement au marathon à partir de 2006. Son engagement est impressionnant : deux marathons par an (Paris au printemps et Nice-Cannes à l’automne), avec un entraînement rigoureux de quatre séances hebdomadaires. Son palmarès personnel témoigne d’un niveau respectable, avec des chronos autour de 2h57 dans ses meilleures années, désormais entre 3h20 et 3h35. Une pratique ancrée dans sa vie, indépendante de sa carrière politique : « Je courais avant de faire de la politique et je courrai après », affirme-t-il avec conviction.

Le mérite comme valeur centrale du marathon

À la question politico-sportive qui lui est posée, Lisnard répond d’abord avec humour : « Quand j’enfile mes baskets, je les mets à mon pied droit et également à mon pied gauche. J’y tiens… » Puis il développe une analyse plus profonde, rejoignant partiellement la première proposition qui lui était soumise, celle d’une vision libérale où chacun se distingue par ses qualités personnelles. Pour le maire de Cannes, le marathon illustre une réalité fondamentale : l’existence d’inégalités naturelles entre les individus. Une vérité qui, selon lui, est parfois niée dans certains discours politiques. Cependant, il souligne que cette discipline rappelle également « une égalité de droit : on a tous le droit d’être sur la ligne de départ. »

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L’effort comme moyen de transcender les inégalités initiales

Le point central de sa vision réside dans la notion de mérite, qu’il défend ardemment. Les inégalités de départ sont compensées par l’effort fourni, permettant à chacun de progresser et de s’élever. La souffrance spécifique du marathon, avec son « rapport distance-temps particulier », constitue l’épreuve révélatrice de cette capacité au dépassement. Lisnard synthétise sa pensée en évoquant « la combinaison entre inégalité de départ et possibilité de progresser en fournissant des efforts. » Une vision qui fait écho à ses convictions politiques libérales, valorisant la responsabilité individuelle et le mérite personnel.

L’origine des champions de marathon : talent naturel ou condition sociale ?

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La seconde partie du débat porte sur la domination des athlètes est-africains dans les courses de fond. La question initiale suggérait que leur réussite pourrait être liée à leur condition de « damnés de la Terre », illustrant ainsi une vision plus égalitariste du marathon comme discipline accessible aux plus défavorisés. Sur ce point, David Lisnard exprime un désaccord franc. Pour lui, c’est « une erreur fondamentale de croire que ‘les damnés de la Terre’ sont de gauche et défendus par la gauche. » Il affirme que « ce qui a sorti le plus de gens de la misère, près d’un milliard de personnes depuis 150 ans, c’est la société libérale. »

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Les facteurs de réussite des coureurs kényans et éthiopiens

Selon l’édile cannois, l’explication de la domination est-africaine n’est pas à chercher dans leur condition économique, mais dans une combinaison de facteurs géographiques, culturels et organisationnels. « Les Kényans et les Éthiopiens ne réussissent pas parce qu’ils sont damnés de la Terre, sinon ceux d’Amérique latine gagneraient aussi en course à pied », argumente-t-il. Il détaille plusieurs éléments déterminants : la vie sur les hauts plateaux à 2000 mètres d’altitude, développant naturellement les capacités d’endurance dès l’enfance ; l’existence de modèles de réussite comme Eliud Kipchoge ou Haile Gebreselassie, créant une forte émulation ; et enfin, la présence de camps d’entraînement structurés où les athlètes travaillent ensemble.

La pratique personnelle du marathon : rituel et équilibre pour les deux politiques

Au-delà de leurs divergences idéologiques, François Ruffin et David Lisnard partagent une même passion pour la course à pied, intégrée à leur quotidien malgré des agendas certainement chargés. Le marathon devient pour eux un espace de liberté, échappant temporairement aux pressions de la vie politique. Pour Ruffin, ces sorties matinales au bord du canal sont un moment privilégié d’observation de la nature – « je vois les hérons cendrés prendre leur envol » – et de mise en ordre des pensées. Il évoque également l’aspect préventif de sa pratique, conscient que « le médecin de l’Assemblée a dit qu’un mandat provoque une prise de poids de 10 kg. » Chaque année, il participe à une course le 11 novembre pour évaluer son endurance et maintenir sa motivation.

L’engagement sportif comme constante dans des vies politiques mouvementées

Lisnard, de son côté, affiche une pratique plus intensive avec ses deux marathons annuels et ses entraînements réguliers « entre midi et deux ». Sa participation à diverses épreuves (les 20 km de Paris, le semi d’Antibes, le trail du Galibier) témoigne d’un engagement sportif diversifié mais constant. 

Les deux hommes politiques projettent cette passion au-delà de leur carrière politique. « Quand j’en aurai fini avec la politique, j’aurai, pour me tenir, la course à pied et la bibliothèque d’Amiens », confie Ruffin. Lisnard affirme quant à lui : « Je courais avant de faire de la politique et je courrai après. » La course apparaît ainsi comme un ancrage personnel durable, transcendant les aléas de la vie publique.

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Le marathon comme miroir de la société : individualisme ou solidarité ?

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L’intérêt de ce débat dépasse largement le cadre sportif. Il révèle comment une même pratique peut être interprétée à travers des prismes idéologiques différents, reflétant des visions distinctes de la société. Le marathon devient métaphore du vivre-ensemble, terrain d’expression de valeurs parfois opposées. La vision de Ruffin met l’accent sur la dimension collective et solidaire : les coureurs s’encouragent, s’entraident, partagent la souffrance. L’effort n’est pas tourné contre les autres mais avec eux, dans une forme de fraternité sportive qui rappelle certains idéaux de gauche.

Deux lectures d’une même épreuve

À l’inverse, Lisnard y voit l’expression du mérite individuel et de la responsabilité personnelle. Chacun part avec ses capacités propres, mais c’est l’effort fourni qui permet de progresser et de se distinguer. Une lecture qui fait écho aux valeurs libérales qu’il défend politiquement. Ces interprétations divergentes nous rappellent que le sport n’est jamais totalement neutre. Derrière l’apparente objectivité du chronomètre se cachent des significations sociales et culturelles complexes. Le marathon, épreuve d’endurance par excellence, se prête particulièrement bien à ces lectures multiples.

L’accessibilité du marathon : sport élitiste ou populaire ?

Une autre dimension du débat concerne l’accessibilité de la discipline. Le marathon est-il un sport véritablement démocratique, comme le suggérait la question initiale ? La course à pied figure parmi les activités sportives les moins coûteuses en équipement, nécessitant principalement une paire de chaussures et une tenue adaptée. Cette simplicité matérielle contraste avec d’autres disciplines comme le golf, l’équitation ou même le cyclisme de haut niveau, qui requièrent des investissements conséquents. En ce sens, le marathon pourrait incarner un idéal d’égalité, où chacun peut participer indépendamment de ses moyens financiers.

Les barrières invisibles de la pratique marathonienne

Cependant, cette apparente accessibilité masque d’autres formes d’inégalités. La préparation d’un marathon demande du temps, une denrée parfois rare pour certaines catégories socio-professionnelles. Les longues sorties du dimanche, les séances de fractionné, la récupération nécessaire… Tout cela suppose une organisation personnelle qui n’est pas à la portée de tous. Par ailleurs, l’inscription aux grandes épreuves internationales représente un coût non négligeable, sans compter les frais de déplacement et d’hébergement. Le marathon de New York, par exemple, avec ses frais d’inscription avoisinant les 300 dollars et la nécessité d’un voyage transatlantique, reste inaccessible à bon nombre de passionnés.

La mondialisation du marathon : entre uniformisation et diversité culturelle

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Les marathons sont devenus des événements mondialisés, attirant des participants de tous les continents. Les grandes courses comme Boston, Londres, Berlin ou Tokyo constituent un circuit international où se côtoient élite mondiale et amateurs fortunés. Cette globalisation pose question : le marathon est-il devenu un produit standardisé ou conserve-t-il des spécificités culturelles ? Chaque grande épreuve conserve certes son identité propre – les collines de Boston, les monuments de Londres, la rapidité de Berlin – mais un format relativement uniforme s’est imposé. Les mêmes sponsors internationaux, une organisation similaire, des tarifs d’inscription comparables… Le marathon n’échappe pas à une certaine standardisation commerciale.

Entre marketing global et traditions locales

Pourtant, aux côtés de ces méga-événements subsistent des courses plus modestes, ancrées dans leur territoire et leur culture. Le trail des Vidames évoqué par Ruffin ou les courses dans la région de Cannes mentionnées par Lisnard témoignent de cette diversité persistante. Ces épreuves locales, moins médiatisées mais souvent plus authentiques, maintiennent un lien fort avec leur environnement naturel et humain. La coexistence de ces différents formats de course – du marathon international au trail local – reflète peut-être un équilibre possible entre globalisation et ancrage territorial. Une dialectique qui, là encore, fait écho à certains débats politiques contemporains.

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