La triamcinolone acétonide fait trembler l’élite du trail mondial. Cette molécule, au cœur de trois scandales retentissants depuis 2022, révèle les failles d’un sport longtemps considéré comme immunisé contre le dopage. Chesang, Kangogo, Chepngeno UTMB : trois athlètes kényans, trois victoires à Sierre-Zinal, trois disqualifications pour la même substance interdite.
Sommaire
Qu’est-ce que la triamcinolone
Une molécule aux multiples visages
Les glucocorticoïdes représentent une famille de médicaments dérivés du cortisol naturel. La triamcinolone acétonide s’impose comme l’un des anti-inflammatoires les plus puissants du marché médical. Administrée par infiltration, elle soulage efficacement tendinites, douleurs articulaires et inflammations sévères.
Cette substance offre aux patients une récupération spectaculaire de leur mobilité. Malheureusement, ces mêmes propriétés thérapeutiques deviennent problématiques dans l’univers sportif. L’effet analgésique permet de masquer complètement la douleur, autorisant un athlète à poursuivre l’effort malgré une blessure potentiellement grave.
Les effets sur la performance
Au-delà de la suppression douloureuse, la triamcinolone procure des bénéfices directement liés à la performance. Son action stimulante et parfois euphorisante booste artificiellement les capacités mentales. La récupération s’accélère considérablement, permettant d’enchaîner entraînements intensifs et compétitions sans fatigue normale.
Cependant, les conséquences à long terme s’avèrent dramatiques. La fragilisation progressive des tissus, l’affaiblissement du système immunitaire et le catabolisme musculaire transforment ce remède miracle en poison différé.
Réglementation WADA et sanctions
Classification et interdictions
L’Agence mondiale antidopage classe fermement les glucocorticoïdes dans la catégorie S9 des substances prohibées. Cette classification n’autorise aucune négociation : leur usage reste strictement encadré pendant les périodes de compétition.
La réglementation distingue clairement les modes d’administration. Voies orale, rectale, intramusculaire et intra-articulaire demeurent formellement interdites. En revanche, l’application locale via crèmes, sprays nasaux ou gouttes oculaires conserve son autorisation.
Système d’autorisation thérapeutique
Le dispositif d’Autorisation d’Usage à des fins Thérapeutiques (AUT) offre une porte de sortie légale. Les athlètes souffrant d’une pathologie documentée peuvent solliciter cette dérogation avant tout traitement. Cette procédure exige cependant une anticipation rigoureuse et une documentation médicale irréprochable.
« La responsabilité stricte s’applique : l’athlète reste responsable de toute substance présente dans son organisme » – Règlement WADA
Beaucoup d’infractions proviennent d’erreurs de calendrier. Un traitement administré trop près d’une échéance sportive laisse des traces détectables lors des contrôles. Cette négligence transforme un acte médical légitime en violation antidopage.
Les scandales de Sierre-Zinal
Chronologie des affaires
2022 marque le début de cette série noire avec Esther Chesang. Sa victoire éclatante sur la mythique course suisse se transforme rapidement en cauchemar juridique. L’analyse de ses échantillons révèle la présence de triamcinolone, entraînant sa disqualification immédiate.
Mark Kangogo suit tristement le même chemin la même année. Son succès masculin s’évapore face aux résultats de laboratoire. Deux cas identiques en une seule édition ébranlent la confiance du milieu trail.
L’affaire Joyline Chepngeno en 2025 constitue l’épisode le plus récent. L’AIU retient l’hypothèse d’une injection thérapeutique pour soigner un genou douloureux, réalisée sans autorisation préalable. Faute de preuve d’intentionnalité manifeste, elle écope de deux années de suspension au lieu des quatre habituelles.
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Les sanctions dépassent désormais le cadre individuel. Julien Lyon, coach de l’équipe Milimani Runners, subit également les conséquences de ces infractions répétées. Cette extension des sanctions à l’encadrement constitue une première historique dans l’univers trail.
Cette approche globale vise à responsabiliser l’ensemble de la chaîne d’encadrement. Entraîneurs, managers et structures sportives doivent désormais garantir la conformité de leurs athlètes sous peine de sanctions collectives.
Pourquoi Sierre-Zinal révèle tant de cas
Statut unique de la course
Créée en 1974, Sierre-Zinal jouit d’un prestige incontestable dans l’univers montagnard. Surnommée la « course des cinq 4000 », elle attire l’élite mondiale avec ses panoramas époustouflants et sa difficulté technique redoutable.
Pour les coureurs africains, cette épreuve représente bien plus qu’une simple course. Elle constitue la porte d’entrée privilégiée sur le marché international du trail. Une victoire à Zinal ouvre toutes les portes : contrats, sponsors, invitations prestigieuses.
Dispositif de contrôles renforcés
Contrairement à la majorité des trails européens, Sierre-Zinal maintient un protocole antidopage drastique. Le partenariat avec Swiss Sport Integrity et la WADA garantit des analyses dans des laboratoires accrédités selon les standards olympiques.
Cette rigueur contraste violemment avec la négligence de nombreuses autres épreuves. Là où certains organisateurs ferment les yeux par commodité ou par naïveté, Sierre-Zinal assume pleinement son rôle de gendarme.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 100% des podiums testés systématiquement
- Analyses complètes incluant EPO, stéroïdes et glucocorticoïdes
- Collaboration directe avec les instances internationales
- Sanctions immédiates sans négociation possible
Évolution de la lutte antidopage dans le trail
Initiatives des grandes courses
L’UTMB a tiré les leçons de l’affaire Gonzalo Calisto en 2015. Cette détection d’EPO a déclenché la création du programme Quartz, dispositif de suivi médical volontaire destiné à identifier les anomalies physiologiques suspectes.
Le Golden Trail Series intègre désormais Quartz tout en collaborant étroitement avec les agences nationales. Cette approche coordonnée permet des contrôles ciblés sur les athlètes les plus exposés.
Programme Quartz et transparence
Les Templiers font figure de pionniers français depuis 2017. Leur engagement précoce dans Quartz, puis leur collaboration avec Athletes for Transparency en 2024, illustrent cette évolution progressive.
Leurs révélations sur l’usage massif d’anti-inflammatoires (50% des élites consomment de l’ibuprofène) ont choqué le milieu. Cette transparence volontaire dénonce une forme de « dopage légal » tout en privilégiant la prévention sur la répression.
Organismes de contrôle
Cette architecture complexe révèle les limites actuelles du système. Chaque acteur possède son domaine d’intervention sans véritable coordination globale.
Quentin, 26 ans, passionné de trail : suivez mes aventures au cœur des sentiers, entre défis sportifs et communion avec la nature.
