Nicolas Cointepas, figure emblématique du trail français, a inscrit son nom dans la légende en parcourant la distance vertigineuse de 516,3 kilomètres lors de l’édition 2025 de l’Infinity Trail d’Hossegor. Cette épreuve, qui s’est achevée le 28 avril dernier, a vu le champion français repousser les frontières de ce qui semblait humainement possible.
L’exploit réalisé par Cointepas n’est pas simplement une question de distance parcourue. C’est avant tout un témoignage de résilience mentale et physique hors du commun, où chaque heure représentait un défi à part entière. Pendant plus de trois jours consécutifs, sans interruption notable, l’athlète a maintenu un rythme suffisant pour éviter l’élimination dans cette course au format impitoyable.
Originaire de la scène ultra française, Nicolas Cointepas détient déjà le record national avec 84 boucles accomplies lors d’une précédente compétition. Sa victoire à Hossegor confirme non seulement son talent exceptionnel, mais aussi sa capacité à se dépasser lorsque les conditions deviennent extrêmes et que le corps supplie d’abandonner.
L’épreuve landaise a réuni initialement 235 coureurs, tous animés par l’ambition de durer plus longtemps que leurs adversaires. Au fil des heures, la fatigue, les douleurs et l’épuisement ont progressivement éliminé la quasi-totalité des participants, ne laissant que deux gladiateurs modernes pour les dernières heures de ce combat contre soi-même.
Sommaire
Un format impitoyable qui ne pardonne aucune erreur

L’Infinity Trail appartient à la catégorie des « backyard ultras », un concept de course qui gagne en popularité dans l’univers du trail. Le principe ? Parcourir une boucle de 6,7 kilomètres toutes les heures, à l’infini. Le dernier coureur capable de respecter cette cadence remporte l’épreuve. Simple dans son énoncé, diabolique dans son application.
Cette formule, venue tout droit des États-Unis, a été popularisée par le légendaire Gary « Lazarus Lake » Cantrell, également créateur de la célèbre Barkley Marathons. L’intérêt de ce format réside dans sa brutalité conceptuelle : aucune place pour l’approximation, le retard ou la faiblesse passagère. Un seul échec à boucler le parcours dans l’heure impartie, et c’est l’élimination immédiate.
La difficulté majeure réside dans la gestion du temps de récupération. Plus un coureur termine sa boucle rapidement, plus il dispose de minutes précieuses pour se reposer, s’alimenter et soigner d’éventuelles blessures avant le départ suivant. Contrairement aux courses traditionnelles où le vainqueur est celui qui court le plus vite, ici, la stratégie prime souvent sur la vitesse pure.
À Hossegor, le parcours empruntait des sentiers techniques mêlant passages forestiers et sections sablonneuses, rendant chaque boucle plus éprouvante que son tracé ne le laissait supposer. Avec les heures qui s’enchaînaient, ces difficultés s’amplifiaient exponentiellement dans les organismes fatigués des participants.
Les statistiques vertigineuses du backyard ultra
Les chiffres donnent le vertige. En 77 heures, Nicolas Cointepas a :
- Parcouru 516,3 kilomètres
- Enchaîné 77 boucles identiques sans jamais échouer
- Dormi moins de 4 heures au total, par micro-siestes de quelques minutes
- Consommé approximativement 35 000 calories
- Usé trois paires de chaussures différentes
Ces données illustrent l’ampleur du défi relevé par l’athlète français. Dans l’univers de l’ultra-endurance, peu d’épreuves imposent une telle pression constante pendant une durée aussi prolongée. Chaque heure devient un compte à rebours mental, où la récupération doit être optimisée à la seconde près.
Le format backyard a ceci de particulier qu’il ne permet jamais d’anticiper la durée totale de l’épreuve. Les coureurs doivent se préparer mentalement à l’idée d’un effort potentiellement illimité, sans ligne d’arrivée prédéfinie. Cette incertitude constitue une difficulté psychologique supplémentaire que seuls les esprits les plus forts parviennent à surmonter.
Un duel épique jusqu’au bout face au tenant du titre

La dramaturgie de l’Infinity Trail a atteint son apogée lors des dernières heures de course. Après trois jours complets d’effort ininterrompu, seuls deux hommes restaient encore debout : Nicolas Cointepas et Christophe Rouat, le vainqueur de l’édition précédente. Un duel au sommet entre deux membres de l’équipe de France d’ultra backyard.
À partir de la 73e boucle, ces deux athlètes d’exception se sont livrés à une bataille psychologique intense. Chaque départ devenait un jeu d’échecs où le moindre signe de faiblesse pouvait être interprété comme une opportunité par l’adversaire. Les regards se croisaient furtivement, cherchant à détecter une grimace de douleur ou un tremblement révélateur d’épuisement.
Christophe Rouat, fort de son expérience et de sa victoire l’année précédente, semblait initialement avoir l’avantage mental. Sa gestion de course, parfaitement rodée, lui permettait de terminer chaque boucle avec quelques minutes d’avance sur son rival. Cependant, l’endurance surhumaine de Cointepas allait progressivement inverser la tendance.

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⚡ Voir les nouveautés i-RunAu fil des heures, une fine ligne se dessinait entre détermination et obstination dangereuse. Les deux hommes, parfaitement conscients des risques pour leur santé, continuaient néanmoins à repousser leurs limites, portés par l’adrénaline et l’enjeu d’une victoire prestigieuse qui semblait désormais à portée de main.
L’abandon dramatique à la 76e heure
Le point de rupture est survenu brutalement. Après 76 heures d’effort, Christophe Rouat a été contraint à l’abandon suite à des douleurs thoraciques inquiétantes, signe que son organisme atteignait des limites dangereuses. Une décision sage mais déchirante pour le tenant du titre, qui semblait capable de poursuivre techniquement l’aventure.
Ce moment crucial illustre la frontière ténue entre performance exceptionnelle et mise en danger. Dans ces épreuves extrêmes, l’écoute de son corps devient paradoxalement à la fois essentielle et secondaire : essentielle pour préserver sa santé, secondaire face à la détermination mentale de poursuivre malgré tout.
À l’annonce de l’abandon de son adversaire, Nicolas Cointepas n’a pas manifesté d’explosion de joie comme on pourrait l’observer dans d’autres compétitions. Le respect mutuel entre ces gladiateurs modernes transcende la rivalité sportive. Une poignée de main silencieuse a scellé ce moment d’intense émotion, témoignant de la fraternité qui unit les pratiquants de cette discipline hors-norme.
Pour officialiser sa victoire, Cointepas a dû néanmoins compléter une ultime boucle en solo, la 77e, accomplissant ainsi son tour d’honneur symbolique sur les sentiers d’Hossegor. Un dernier effort qui portait le total de distance à 516,3 kilomètres et clôturait définitivement cette édition 2025 mémorable.
Gestion millimétrée de la récupération entre les boucles
L’art du backyard ultra ne se limite pas à la capacité de courir. Il réside tout autant dans la science précise de la micro-récupération entre chaque boucle. Ces instants dérobés au chronomètre deviennent le théâtre d’une orchestration parfaite où chaque geste compte.
Installés à proximité immédiate de la ligne de départ/arrivée, les coureurs avaient aménagé de véritables « camps de base » minimalistes. Pour Nicolas Cointepas, cet espace se résumait à un simple lit de camp, une chaise pliante, une glacière remplie de ravitaillement et quelques affaires de rechange soigneusement organisées.
Entre deux boucles, une chorégraphie bien rodée s’exécutait. Les premières minutes suivant l’arrivée étaient consacrées aux soins d’urgence : changement de chaussettes pour prévenir les ampoules, application de crèmes anti-frottements, vérification de points de compression. Venait ensuite le temps de l’alimentation, élément crucial pour maintenir les réserves énergétiques.
Le menu de Cointepas alternait entre purées de pommes de terre riches en sel, pizzas froides apportant glucides complexes et graisses, compotes sucrées pour le glucose rapide, et boissons d’effort méticuleusement dosées. Rien n’était laissé au hasard dans cette nutrition de combat pensée pour optimiser l’apport calorique avec un minimum d’effort digestif.
L’importance cruciale du sommeil fragmenté
Le véritable défi du backyard ultra réside peut-être dans la gestion du sommeil. Nicolas Cointepas a développé une technique personnelle de micro-siestes ultra-efficaces. Dès qu’il terminait sa boucle, généralement en 45 à 50 minutes, il savait exactement combien de temps il pouvait s’octroyer pour récupérer.
Ces siestes programmées de 4 à 7 minutes constituent un art à part entière. L’athlète s’allonge, ferme les yeux et plonge instantanément dans un sommeil paradoxal, maximisant ainsi la récupération neuronale. Un minuteur réglé avec 2 minutes de marge avant le prochain départ garantit qu’il ne manquera pas l’échéance fatidique.
Au fil des heures, la privation de sommeil génère des hallucinations sensorielles et des perturbations cognitives. Les coureurs rapportent souvent des visions étranges, des pertes momentanées d’orientation ou des conversations imaginaires. Lutter contre ces manifestations tout en maintenant un rythme de course cohérent représente l’un des aspects les plus impressionnants de cette discipline.
L’équipe d’assistance joue également un rôle déterminant. Les accompagnateurs de Cointepas veillaient en permanence, prêts à intervenir en cas de signe alarmant. Cette présence rassurante permettait au coureur de s’abandonner plus sereinement à ces précieuses minutes de récupération, sachant qu’il serait réveillé à temps pour le départ suivant.
Quentin, 26 ans, passionné de trail : suivez mes aventures au cœur des sentiers, entre défis sportifs et communion avec la nature.