L’ultra-endurance réserve parfois des instants qui transcendent la simple notion de performance chronométrée. Sur l’île volcanique de Gran Canaria, le 360º The Challenge vient d’offrir l’une de ces scènes rares où l’humain prime sur le chrono. Sébastien Raichon et le Britannique Dave Phillips ont franchi ensemble la ligne après quarante-et-une heures d’efforts conjugués, refusant de se départager pour quelques secondes symboliques. Un geste fort qui rappelle pourquoi on aime ce sport.
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José Bordón Sardiña remporte une édition chamboulée
L’Espagnol José Bordón Sardiña s’impose finalement en 40h47’55 », creusant un écart d’une trentaine de minutes sur le duo franco-britannique. Mais cette victoire porte l’empreinte d’une édition particulière : l’organisation a dû raccourcir le tracé d’environ quarante kilomètres suite à une alerte canicule interdisant l’accès à certains massifs montagneux.
La chaleur caniculaire a transformé cette traversée insulaire en véritable fournaise. Bordón Sardiña a su gérer ces conditions infernales pour décrocher une belle victoire à domicile, sur des terres espagnoles qu’il connaît parfaitement.
Un finish solidaire qui marque les esprits
Quarante-et-une heures côte à côte, ça crée des liens. Raichon et Phillips ont tout partagé : les galères d’orientation dans la végétation dense, les hallucinations nocturnes typiques de l’ultra-endurance extrême, les litres d’eau engloutis sous un soleil de plomb. Alors quand est venu le moment de sprinter pour grappiller une place, ils ont choisi autrement.
« Dave m’a proposé de passer la ligne seul, estimant que j’avais davantage tiré la navigation. J’ai refusé. On terminera ensemble. »
Cette déclaration de Sébastien Raichon résume parfaitement l’esprit qui devrait animer chaque trailer. Pas de calculs mesquins, juste du respect mutuel après des dizaines d’heures d’entraide. Le Britannique reconnaissait le travail de navigation effectué par le Français, mais ce dernier a balayé d’un revers de main cette différence.
L’erreur qui aurait pu tout changer
À onze kilomètres du finish, Raichon se perd dans un passage introuvable coincé entre les falaises. Trente minutes s’évaporent, la victoire avec elles. Dans ces moments-là, la frustration peut vite prendre le dessus. Pourtant, le trailer français a digéré ce revers avec philosophie, comprenant que dans ce type d’épreuve, l’erreur fait partie intégrante du jeu.
Les conditions infernales du 360º The Challenge
Parlons franchement : ce parcours était un enfer. Les participants ont dû affronter une succession d’obstacles qui dépasse l’entendement pour le commun des mortels.
Les difficultés rencontrées :
- Canyon rempli de cactus rendant la progression douloureuse et lente
- Murs de végétation tropicale effaçant totalement les sentiers balisés
- Quatre kilomètres de bitume en plein cagnard, sans ombre ni refuge
- Sentiers disparus obligeant à de la navigation pure et dure
- Nuits complètes passées à avancer dans l’obscurité totale
Raichon raconte avoir eu tellement chaud qu’il pouvait « essorer ses vêtements« . Cette image parle d’elle-même et illustre l’intensité de la canicule qui s’est abattue sur Gran Canaria durant l’épreuve. Heureusement, les températures nocturnes plus clémentes lui ont permis de retrouver un rythme correct.
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Après deux nuits dehors, c’est paradoxalement l’obscurité qui offre un répit salvateur. Les températures chutent enfin, permettant au corps de fonctionner dans des conditions acceptables. Le métabolisme n’a plus besoin de lutter contre la surchauffe permanente, et les jambes retrouvent une cadence supportable.
Anita Lehmann confirme chez les femmes
Du côté féminin, la Suissesse Anita Lehmann se dirige vers une victoire logique après sa deuxième place obtenue en 2022. Cette performance confirme sa parfaite adaptation au terrain canarien et à ses pièges multiples. Lehmann possède désormais une connaissance intime de ce tracé diabolique, un atout majeur face à la concurrence.
La saison monstrueuse de Sébastien Raichon
Franchement, chapeau l’artiste. Raichon boucle une année 2025 absolument dingue avec ce podium sur le 360º. Retour sur un enchaînement qui donne le tournis.
Le Tor des Glaciers et le FKT du GR20
Avant Gran Canaria, le Français avait déjà empilé deux performances majeures. Le Tor des Glaciers d’abord, cette boucle alpine de folie qui ne laisse aucun répit. Puis un FKT en autonomie sur le GR20, l’épine dorsale montagneuse de la Corse, réputée pour ses passages techniques et sa difficulté constante.
Réaliser ces trois objectifs dans la même saison témoigne d’une capacité de récupération hors norme et d’une gestion parfaite du calendrier sportif. Raichon n’improvise rien, chaque course s’inscrit dans une planification rigoureuse.
Les projets pour 2026 : encore plus costaud
Le bonhomme ne compte pas lever le pied. Dès janvier, direction la Spine Race, quatre cents kilomètres dans la boue britannique, le vent glacial et potentiellement la neige. Un format totalement différent du 360º, prouvant la polyvalence recherchée par Raichon.
Ensuite, changement de casquette avec l’organisation du Défi 24 heures lors du Trail du Ventoux. Passer de l’autre côté de la barrière demande des compétences différentes, mais le trailer français semble vouloir explorer toutes les facettes de notre discipline.
Pourquoi ce finish restera dans les mémoires
Dans un milieu où chaque seconde compte, où les classements UCI ou ITRA dictent parfois les comportements, voir deux athlètes refuser de se battre pour deux places distinctes rafraîchit. Phillips et Raichon ont compris l’essentiel : quarante heures d’entraide valent mieux que trente secondes de sprint égoïste.
Ce genre de scène rappelle pourquoi l’ultra-trail fascine autant. Au-delà des chronos et des podiums, c’est avant tout une histoire d’humains poussés dans leurs derniers retranchements, obligés de composer avec leurs limites et celles des autres. La solidarité n’est pas un vain mot dans ces épreuves où l’abandon guette à chaque kilomètre.
Le 360º The Challenge vient d’offrir une belle leçon : la performance se mesure aussi à l’aune de l’humanité déployée sur le parcours. Bordón Sardiña mérite pleinement sa victoire, mais le duo franco-britannique a gagné quelque chose de différent, peut-être même de plus précieux. Une amitié forgée dans la douleur, un respect mutuel gravé dans la roche volcanique de Gran Canaria.
Quentin, 26 ans, passionné de trail : suivez mes aventures au cœur des sentiers, entre défis sportifs et communion avec la nature.
