Dans la nuit du 29 au 30 novembre 2025, alors que des milliers de coureurs vivaient leur rêve nocturne entre Saint-Étienne et Lyon, un homme de 59 ans n’a jamais franchi la ligne d’arrivée. Son cœur s’est arrêté à seulement 2 kilomètres du but, transformant une fête sportive en tragédie.
Sommaire
- 1 Le cruel paradoxe : tomber si près de l’arrivée
- 2 Un infirmier court derrière lui : le hasard qui aurait pu tout changer
- 3 Un sportif régulier : quand la passion ne protège pas
- 4 La première mort d’un participant en 71 éditions
- 5 Le débat inévitable : les contrôles médicaux sont-ils suffisants ?
- 6 Quand la fête devient deuil : le choc pour les 18 000 autres coureurs
- 7 Penser à ses proches : le deuil des familles de traileurs
Le cruel paradoxe : tomber si près de l’arrivée
Il y a quelque chose de terriblement injuste dans cette géographie du drame. Deux kilomètres. À peine dix à quinze minutes de course pour un participant de la SaintéSprint. On aperçoit presque les lumières de l’arrivée, on entend peut-être déjà les encouragements du public massé sur les quais de Lyon. Le plus dur est derrière soi. La joie d’accomplir ce défi nocturne de 24 kilomètres est à portée de foulées.
Et puis, sans prévenir, le corps dit non. Un malaise. L’effondrement. Le silence brutal qui remplace le souffle régulier de la course.
Ce coureur de 59 ans, originaire d’Alsace selon les témoignages, avait parcouru l’essentiel du chemin. Il avait traversé la nuit froide, géré son effort, maintenu son rythme pendant plus de vingt kilomètres. Il était sur le quai de la commune de la Mulatière, ce bout de parcours urbain qui précède l’entrée dans Lyon proprement dit. Tout semblait se dérouler normalement.
Jusqu’à ce que son organisme lâche, sans crier gare, sans laisser le temps de comprendre ce qui se passait.
Un infirmier court derrière lui : le hasard qui aurait pu tout changer
Dans cette succession d’événements tragiques, il y a eu une étrange convergence du destin. La personne qui courait juste derrière cet homme était un infirmier. Pas n’importe lequel : quelqu’un qui collabore régulièrement avec les prestataires médicaux de la SaintéLyon, donc parfaitement formé aux gestes d’urgence.
Lorsque le coureur s’est effondré devant lui, cet infirmier a immédiatement basculé du statut de concurrent à celui de sauveteur. Sans perdre une seconde, il a prodigué les premiers soins, ces gestes vitaux qu’on apprend et qu’on espère ne jamais avoir à pratiquer sur un compagnon de course.
Les organisateurs le confirment : « La personne qui courait derrière lui était un infirmier, qui travaille souvent avec le prestataire qui travaille pour nous, il lui a prodigué les premiers soins. Et les secours, le Smur, sont intervenus très rapidement. »
Très rapidement. Cette précision administrative sonne douloureusement dans ce contexte. Car même la rapidité maximale, même la compétence médicale immédiate, même le hasard miraculeux d’avoir un professionnel de santé présent à l’instant exact du drame… parfois, rien de tout cela ne suffit.
Le SMUR (Structure Mobile d’Urgence et de Réanimation) est arrivé dans les meilleurs délais. Les protocoles de réanimation ont été appliqués. Mais le cœur ne s’est pas remis à battre. L’homme est décédé là, sur ce quai, à deux kilomètres seulement de la ligne qu’il ne franchira jamais.
Un sportif régulier : quand la passion ne protège pas

Ce qui rend ce drame encore plus bouleversant, c’est le profil de la victime. Il ne s’agissait pas d’un coureur occasionnel s’étant lancé dans un défi irréaliste. Les témoignages concordent : c’était un sportif régulier, quelqu’un qui connaissait son corps, qui s’entraînait, qui avait probablement déjà participé à d’autres courses.
À 59 ans, engagé sur une épreuve de 24 kilomètres de nuit, cet Alsacien faisait partie de ces passionnés qui incarnent l’esprit même de la SaintéLyon. Pas forcément les plus rapides, pas ceux qui visent les podiums, mais ces coureurs qui donnent son âme à l’événement : le plaisir de se dépasser, l’amour du trail, la joie simple de courir dans la nuit avec des milliers d’autres fous comme soi.
Il avait fait le voyage depuis l’Alsace. Il s’était inscrit des semaines ou des mois à l’avance. Il s’était préparé, mentalement et physiquement. Il avait anticipé cette aventure nocturne avec l’excitation d’un enfant la veille de Noël, comme le font tous les traileurs avant la SaintéLyon.
Sa famille, ses proches savaient qu’il serait là cette nuit-là, quelque part entre Saint-Étienne et Lyon. Peut-être suivaient-ils sa progression grâce au tracking en ligne, attendant de le voir franchir la ligne d’arrivée pour le féliciter, l’embrasser, partager sa joie.
Au lieu de cela, ils ont appris qu’il ne reviendrait pas.
La première mort d’un participant en 71 éditions
Ce drame marque tristement l’histoire de la SaintéLyon. En 71 éditions depuis la création de cette course mythique en 1952, c’est la première fois qu’un participant décède pendant l’épreuve.
Soixante et onze ans d’existence. Des centaines de milliers de coureurs qui se sont élancés dans la nuit froide de novembre ou décembre. Des conditions météorologiques parfois épouvantables, des températures négatives, du verglas, de la neige. Des parcours techniques, des descentes rapides, des risques de chutes. Et jamais, jusqu’à cette nuit du 30 novembre 2025, un coureur n’était mort pendant la course.
Cette statistique n’est pas anodine. Elle témoigne du sérieux de l’organisation, de l’efficacité des dispositifs de sécurité, de la présence massive de bénévoles et de secouristes tout au long du parcours. La SaintéLyon a toujours été une course exigeante, mais encadrée avec un professionnalisme exemplaire.
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⚡ Voir les nouveautés i-RunEt pourtant, malgré toutes les précautions, malgré toute l’expérience accumulée, le drame est survenu. Car face à un arrêt cardiaque brutal, face à une défaillance physiologique majeure, même le dispositif le plus performant trouve ses limites.
Le débat inévitable : les contrôles médicaux sont-ils suffisants ?

Ce décès a immédiatement relancé une question récurrente dans le monde du trail et des courses d’endurance : les conditions d’inscription sont-elles assez strictes en matière de contrôle médical ?
Selon certains témoignages, il est possible de s’inscrire à des épreuves longues comme le 80 kilomètres de la SaintéLyon sans fournir d’électrocardiogramme, en se contentant de visionner les vidéos de prévention du PPS (Parcours Prévention Santé) et de cocher des cases attestant de son aptitude à courir.
Un commentateur le résume crûment : « Quand on sait que l’on peut s’inscrire sans électrocardiogramme à 80 km, juste en cliquant oui 3 fois après les vidéos du PPS… malheureusement cela arrive. »
Cette critique soulève une vraie question éthique et organisationnelle. Faut-il imposer des examens médicaux approfondis, avec électrocardiogramme obligatoire et épreuve d’effort, pour toute personne souhaitant participer à un ultra-trail ? Ou bien doit-on faire confiance à la responsabilité individuelle de chaque coureur, censé connaître son état de santé et ses limites ?
Le débat n’est pas tranché. D’un côté, des contrôles médicaux systématiques pourraient détecter certaines pathologies cardiaques silencieuses et éviter des drames. De l’autre, même l’examen médical le plus complet ne garantit jamais l’absence totale de risque. Et imposer des contraintes trop lourdes pourrait aussi décourager la pratique sportive populaire, au profit d’une élitisation du trail.
Une chose est certaine : ce décès va obliger les organisateurs, les fédérations et les instances sportives à repenser leurs protocoles et à s’interroger sur l’équilibre entre accessibilité de l’événement et sécurité maximale des participants.
Quand la fête devient deuil : le choc pour les 18 000 autres coureurs
Cette édition 2025 de la SaintéLyon avait rassemblé environ 18 000 coureurs (et non 200 000 comme indiqué par erreur dans certains articles initiaux). Des milliers de personnes vivaient leur rêve cette nuit-là, se dépassaient, souffraient et souriaient simultanément dans le froid de novembre.
Pour beaucoup, franchir la ligne d’arrivée de la SaintéLyon représente l’accomplissement d’une année d’entraînement, la concrétisation d’un objectif personnel, un moment de pure joie partagée avec d’autres passionnés.
Mais lorsque la nouvelle du décès s’est répandue parmi les participants et les bénévoles, l’atmosphère a changé. La joie s’est teintée de gravité. Les sourires se sont figés. Chacun a pensé : « Cela aurait pu être moi. »
Car c’est la terrible réalité du trail et du sport d’endurance : nous pratiquons une activité qui sollicite notre organisme à l’extrême, qui repousse nos limites physiologiques, qui teste notre cœur pendant des heures dans des conditions parfois difficiles. Et parfois, ce cœur dit stop.
Sur les réseaux sociaux, dans les vestiaires, lors des discussions post-course, les traileurs ont exprimé leur tristesse, leur empathie pour la famille du défunt, mais aussi leur propre questionnement. Dois-je continuer à pratiquer ce sport que j’aime ? Suis-je en train de prendre des risques inconsidérés ? Ai-je suffisamment écouté mon corps ces derniers mois ?
Penser à ses proches : le deuil des familles de traileurs
Au-delà du coureur lui-même, ce drame touche de plein fouet sa famille et ses proches. Une épouse, peut-être. Des enfants, probablement adultes à 59 ans. Des petits-enfants, possiblement. Des amis, des collègues, un club de course.
Tous savaient qu’il participait à la SaintéLyon cette nuit-là. Tous attendaient de ses nouvelles, guettaient peut-être son temps d’arrivée sur le site de tracking. Tous se réjouissaient de le voir accomplir ce défi qu’il s’était fixé.
Et puis, le téléphone a sonné. La voix grave d’un gendarme ou d’un responsable de l’organisation. Les mots impossibles à prononcer, encore plus impossibles à entendre : « Il y a eu un problème… Nous avons tout tenté… Je suis désolé… Il n’a pas survécu. »
Pour ces proches, le choc est d’autant plus violent que tout semblait anodin quelques heures plus tôt. Il partait pour une course, une activité qu’il pratiquait régulièrement, qu’il aimait. Rien de dangereux en apparence. Juste une nuit de trail comme il en avait déjà connu plusieurs.
Comment accepter qu’il ne revienne jamais de cette course qui devait être une simple aventure sportive ? Comment comprendre qu’il soit mort en faisant ce qu’il aimait, cette phrase qu’on répète machinalement dans ces circonstances mais qui n’apporte aucune consolation véritable ?
Le deuil sera long, difficile, traversé de questions sans réponses. Aurions-nous dû l’en empêcher ? Y avait-il des signes que nous n’avons pas vus ? Était-ce notre faute de l’encourager dans sa passion ?
Quentin, 26 ans, passionné de trail : suivez mes aventures au cœur des sentiers, entre défis sportifs et communion avec la nature.



