L’arrivée fracassante des coureurs kényans sur les sentiers européens a créé une onde de choc dans l’univers du trail. Entre performances éblouissantes et questionnements légitimes, ces spécialistes de la route semblent prêts à bousculer l’ordre établi. Mais peuvent-ils réellement prétendre aux plus hautes marches de l’ultra-trail mondial ?
Sommaire
L’émergence spectaculaire des coureurs kényans depuis 2024

Des victoires qui marquent les esprits
Joyline Chepengeno a créé la sensation lors de la 51ème édition de Sierre-Zinal en dominant la course féminine avec plus de 8 minutes d’avance. Cette performance remarquable d’une athlète totalement inconnue du grand public a fait l’effet d’une bombe dans le milieu du trail européen.
Côté masculin, Philemon Kiriago n’est passé qu’à une seconde et demie de la victoire face à Kilian Jornet, démontrant que les coureurs africains de l’Est ne sont plus de simples outsiders mais de véritables prétendants au titre.
La confirmation sur les étapes américaines
Les performances de Patrick Kipngeno et Philemon Kiriago lors des dernières étapes de la Golden Trail Series aux États-Unis ont confirmé cette tendance. Seul le Marocain Elhousine Elazzaoui a pu les devancer au sprint, tandis que Joyce Njeru s’imposait sur les deux épreuves féminines.
Julien Lyon, l’architecte de cette révolution

Un projet né de la passion et de l’engagement
Derrière ces succès se cache Julien Lyon, un coach suisse de 32 ans dont le projet Milimani Runners bouscule les codes traditionnels. Ancien coureur de haut niveau avec un chrono de 1h03 au semi-marathon, il a transformé sa blessure au tendon d’Achille en opportunité pour développer quelque chose d’unique au Kenya.
Son approche diffère radicalement des structures existantes. Là où d’autres voient uniquement le business, Lyon développe une dynamique solidaire authentique avec sa fondation « Simba for Kids », qui aide 200 enfants quotidiennement dans la région d’Iten.
Une philosophie d’entraînement révolutionnaire
« Je ne me sens pas un manager, et je n’ai pas la licence de manager ! Je suis plus un coach, et si je suis manager, c’est malgré moi. » – Julien Lyon
Cette citation révèle l’état d’esprit particulier de Lyon, qui privilégie l’accompagnement humain à la gestion commerciale. Son équipe de sept coureurs, dont une femme, fonctionne sur un modèle économique précaire mais passionnant : les athlètes ne touchent aucun salaire fixe et dépendent entièrement de leurs résultats.
Les obstacles de la transition route-sentier
Des qualités différentes requises
Contrairement aux idées reçues, la domination kényane sur route ne se transpose pas automatiquement en montagne. Joyline Chepengeno, victorieuse de Sierre-Zinal, ne court le semi-marathon qu’en 1h10, performance très éloignée des meilleures Kényanes sur asphalte.
Cette réalité démonte le mythe selon lequel il suffirait d’aligner vingt Kényans à 2h05 au marathon pour voir une hégémonie africaine sur les sentiers. Les qualités requises diffèrent fondamentalement : technique de descente, gestion du dénivelé, résistance à l’effort prolongé en terrain varié.
L’apprentissage technique, clé de la réussite
Les avantages physiologiques traditionnels des coureurs kényans – légèreté, longueur des membres, efficacité de la poussée – perdent de leur pertinence sur les sentes escarpées et techniques. La maîtrise du terrain devient alors primordiale, nécessitant des années d’apprentissage spécifique.

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Des primes attractives qui changent la donne
L’évolution financière de l’ultra-trail rend cette discipline désormais attractive pour les coureurs professionnels. Avec 20 000 euros pour le vainqueur de l’UTMB et 13 000 euros sur l’OCC, les montants se rapprochent des dotations des grands marathons européens.
Pour un coureur kenyan, les perspectives de gains dans le top 5 d’une course UTMB dépassent souvent celles du Marathon de Paris, créant une motivation économique réelle pour cette transition sportive.
Les prédictions de Julien Lyon pour l’UTMB
Le coach suisse reste réaliste quant aux échéances :
« Pour qu’un Kényan gagne l’UTMB, cela prendra sûrement plusieurs années encore. Un ou deux dans le top 6, cela pourra arriver avant 2030. »
Cette projection tempérée reflète la complexité de la transition vers l’ultra-trail, discipline où l’expérience et le savoir-faire technique comptent autant que les qualités physiologiques pures.
Les défis spécifiques à l’ultra-trail

Une culture sportive à développer
Iten, haut lieu de l’entraînement mondial, découvre tout juste l’univers du trail. Il y a trois ans, personne dans cette ville légendaire ne connaissait cette discipline. Aujourd’hui, une catégorie locale de coureurs se forme spécifiquement pour les sentiers, marquant une évolution culturelle significative.
La gestion des longues distances
L’ultra-trail demande des compétences spécifiques que les marathoniens n’acquièrent qu’avec l’expérience : gestion nutritionnelle sur 20 heures d’effort, stratégie de course sur terrain varié, résistance psychologique aux moments difficiles. Ces aspects techniques nécessitent un apprentissage progressif.
L’ombre du dopage plane sur les ambitions
L’affaire Mark Kangogo comme exemple
L’affaire Mark Kangogo, contrôlé positif après sa victoire à Sierre-Zinal 2022, illustre les dérives possibles. Suspendu trois ans pour usage de norandrostérone et d’acétonide de triamcinolone, ce cas sert désormais d’exemple négatif pour les nouvelles générations.
Julien Lyon adopte une approche paternelle avec ses athlètes, les sensibilisant constamment aux risques du dopage. La précarité financière de ces coureurs, dépendants uniquement de leurs résultats, crée malheureusement une tentation supplémentaire.
Un pourcentage minoritaire mais visible
Malgré ces cas médiatisés, les statistiques restent encourageantes : sur des milliers de coureurs kényans, seules quelques dizaines sont contrôlées positives, représentant moins de 1% des effectifs. La majorité demeure intègre, comme le souligne le coach suisse.
Quentin, 26 ans, passionné de trail : suivez mes aventures au cœur des sentiers, entre défis sportifs et communion avec la nature.