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Deux traileurs décèdent dans le Massif de la Tournette après avoir glissé

Le massif de la Tournette, joyau naturel surplombant le lac d’Annecy, a été le théâtre d’un drame qui secoue la communauté des amateurs de course en montagne. Ce weekend du 17-18 mai 2025 restera gravé dans les mémoires comme un cruel rappel des risques inhérents à notre passion. Deux jeunes traileurs, âgés respectivement de 23 et 28 ans, ont perdu la vie après avoir glissé sur un névé alors qu’ils empruntaient l’itinéraire menant à la pointe de la Bajulaz.

Tragique accident en Haute-Savoie : quand la montagne rappelle sa dangerosité aux traileurs

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La nouvelle a fait l’effet d’une onde de choc parmi nous, adeptes du trail. Ces décès tragiques nous confrontent à cette réalité que nous préférons parfois ignorer dans notre quête de dépassement : la montagne ne pardonne pas les erreurs. L’enthousiasme printanier et l’appel des sommets peuvent parfois nous faire oublier que la nature suit son propre calendrier, bien éloigné de nos agendas d’entraînement.

Le massif de la Tournette, culminant à 2351 mètres d’altitude, offre habituellement des parcours techniques prisés par les traileurs expérimentés. Sa position dominante offre des panoramas à couper le souffle sur le lac d’Annecy et les Alpes environnantes. Ces caractéristiques en font un terrain de jeu idéal pour les coureurs en quête de dénivelé et de sensations fortes, mais aussi un environnement qui peut rapidement devenir hostile lorsque les conditions météorologiques et l’enneigement ne sont pas optimaux.

Chronologie d’un weekend fatal

La série d’accidents a débuté le samedi 17 mai dans l’après-midi. Deux jeunes randonneuses d’une vingtaine d’années ont d’abord alerté les secours après avoir glissé sur un névé. Souffrant de brûlures aux jambes causées par le frottement avec la neige, elles ont été évacuées vers l’hôpital d’Annecy par l’hélicoptère de la sécurité civile Dragon 74. Leur mésaventure aurait dû servir d’avertissement pour les autres pratiquants. Malheureusement, quelques heures plus tard, sur ce même névé traître, un traileur de 23 ans a connu un sort bien plus tragique.

Après avoir glissé, il a chuté dans le vide. Les secouristes n’ont pu que constater son décès en récupérant son corps sans vie en contrebas. Le bilan macabre s’est alourdi le lendemain, dimanche 18 mai, lorsqu’un second traileur, âgé de 28 ans, a également perdu la vie dans des circonstances similaires. Sa chute d’une centaine de mètres depuis une barre rocheuse ne lui a laissé aucune chance de survie. Ces drames successifs, survenus dans un laps de temps si court, témoignent de la dangerosité particulière des conditions actuelles dans le massif. Ils nous rappellent que même les sportifs aguerris peuvent être surpris par la montagne et ses pièges invisibles.

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Conditions dangereuses en montagne : le piège des névés tardifs

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Le contraste saisissant entre le temps printanier en vallée et les conditions hivernales persistantes en altitude constitue l’un des principaux facteurs de risque en cette saison transitoire. Au-dessus de 1700 mètres d’altitude, la neige reste omniprésente dans le massif de la Tournette, créant un environnement bien plus périlleux que ne le laissent présager les températures clémentes et les sentiers dégagés des zones plus basses. Les névés, ces plaques de neige compacte qui perdurent tard dans la saison, représentent un danger particulièrement insidieux.

Leur surface, souvent durcie par le gel nocturne puis rendue glissante par le réchauffement diurne, peut transformer un passage en apparence anodin en véritable toboggan mortel. Sans équipement adapté comme des crampons ou un piolet, traverser un névé revient à jouer à la roulette russe avec sa sécurité.

L’illusion trompeuse du printemps en montagne

La beauté des journées ensoleillées et la verdure luxuriante qui s’épanouit en basse altitude créent parfois une illusion pernicieuse pour les traileurs et randonneurs. Cette ambiance printanière peut donner l’impression trompeuse que la montagne est entièrement accessible, alors que les étages supérieurs restent fermement ancrés dans l’hiver. L’attrait des sommets, couplé à l’enthousiasme retrouvé après les longs mois d’hiver, pousse parfois à minimiser les risques ou à surestimer ses capacités techniques. La frontière entre conditions printanières et hivernales est souvent marquée par une ligne invisible située aux alentours de 1700 mètres dans les Alpes du Nord en cette période de l’année.

Au-delà, le terrain change radicalement de nature et exige des compétences et un équipement spécifiques. Ces dernières années, le réchauffement climatique a également modifié la donne en créant des situations parfois contradictoires : des périodes de redoux suivies de chutes de neige tardives, des cycles de gel-dégel plus marqués qui rendent la neige particulièrement instable et glissante. Les névés peuvent ainsi présenter une structure traîtresse, avec une croûte superficielle qui cède sous le poids d’un coureur, provoquant des glissades incontrôlables sur plusieurs dizaines ou centaines de mètres.

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Bilan du weekend : des vies brisées et des leçons douloureuses

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Le lourd tribut payé ce weekend dans le massif de la Tournette nous oblige à un moment de recueillement et de réflexion sur notre pratique. Deux jeunes hommes, dans la fleur de l’âge, ont vu leur passion pour le trail se transformer en piège mortel.

Leurs familles et proches font face aujourd’hui à l’indicible douleur de la perte soudaine d’un être cher. Parallèlement à ces tragédies, deux randonneuses ont eu plus de chance. Malgré leurs blessures – des brûlures causées par le frottement avec la neige lors de leur glissade – elles s’en sont sorties vivantes. Leur mésaventure, bien que douloureuse, aurait pu servir d’avertissement pour les autres pratiquants présents dans le secteur ce weekend-là.

Des chutes vertigineuses et fatales

Les circonstances des deux accidents mortels présentent des similitudes frappantes. Dans les deux cas, c’est une glissade sur un névé qui a déclenché la chute. Le premier traileur, âgé de 23 ans, a perdu pied samedi après-midi avant de basculer dans le vide. Les secouristes n’ont pu que constater son décès en récupérant sa dépouille en contrebas. Le second drame s’est joué le dimanche, lorsqu’un coureur de 28 ans a connu le même sort funeste. Sa chute d’une barre rocheuse, sur une distance estimée à une centaine de mètres, ne lui a laissé aucune chance de survie.

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Ces accidents illustrent la violence des forces en jeu lorsqu’une glissade se produit en terrain escarpé : la vitesse acquise et l’impossibilité de se stopper transforment rapidement une simple perte d’adhérence en chute mortelle. Les témoignages recueillis auprès d’autres pratiquants présents dans le secteur ce weekend-là évoquent des conditions particulièrement piégeuses. La neige, durcie par les cycles de gel-dégel, formait par endroits de véritables plaques de glace impossibles à traverser sans crampons. L’absence de traces bien marquées sur certains passages exposés rendait également difficile l’identification des zones à risque, même pour des yeux expérimentés.

Mesures prises : quand les autorités interviennent face à l’urgence

Face à cette succession de drames en si peu de temps, les autorités locales ont réagi rapidement pour éviter que d’autres accidents ne se produisent. Le maire de Talloires-Montmin, Didier Sarda, a pris la décision d’interdire l’accès à la Tournette au-dessus de 1700 mètres via un arrêté municipal entré en vigueur dès le lundi 19 mai. Cette mesure exceptionnelle ne vise pas à restreindre la liberté des pratiquants, mais bien à protéger des vies. Comme l’a souligné l’édile dans ses déclarations : « Ce n’est pas pour faire de la répression, c’est uniquement pour une prise de conscience ». Les mots du maire résonnent avec force lorsqu’il évoque les « vies brisées » et les « familles brisées » suite à ces accidents, rappelant que la prudence n’est jamais excessive face aux dangers de la montagne.

L’appel à la vigilance des services de l’État

En parallèle de l’intervention municipale, la préfecture de Haute-Savoie a également fait entendre sa voix. Emmanuelle Dubée, préfète du département, a lancé un appel solennel à la prudence face aux névés tardifs et aux conditions hivernales persistantes en altitude. Son message est sans ambiguïté : « N’hésitez pas à faire demi-tour si vous éprouvez des doutes quant aux risques ». Cette recommandation de bon sens mérite d’être soulignée tant elle va parfois à l’encontre de notre culture de performance et de dépassement. Savoir renoncer représente souvent la décision la plus sage en montagne, même si elle peut être difficile à prendre lorsqu’on s’est fixé un objectif ou qu’on a parcouru une longue distance pour atteindre un sommet. Les autorités ont également précisé que les prévisions météorologiques des jours à venir ne laissaient pas entrevoir d’amélioration immédiate des conditions. Le danger reste donc présent et pourrait même s’accentuer en cas de nouvelles précipitations ou de variations thermiques importantes.

Conseils de sécurité : adapter son équipement et sa pratique aux conditions réelles

Ces tragiques événements nous rappellent une règle fondamentale : l’équipement doit être adapté non pas à la saison théorique, mais aux conditions réelles rencontrées sur le terrain. Les deux traileurs décédés étaient parfaitement équipés pour la course en montagne, mais pas pour affronter ce que le maire qualifie de « conditions glacières » au-dessus de 1700 mètres. Dans de telles circonstances, le matériel classique du traileur – chaussures à grip, vêtements techniques, sac d’hydratation – ne suffit plus. La présence de névés et de passages verglacés nécessite un équipement spécifique comme des crampons légers et un piolet, même pour des coureurs expérimentés. Ces outils, qui peuvent sembler superflus ou contraignants, font pourtant la différence entre une glissade contrôlée et une chute mortelle.

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L’importance cruciale de l’information et de l’évaluation du risque

Au-delà de l’équipement, c’est toute une approche de la montagne qui doit être adaptée en fonction des conditions. S’informer avant de partir constitue la première étape indispensable d’une sortie sécurisée. Les bulletins météorologiques spécifiques à la montagne, les avis des gardiens de refuge ou des guides locaux, les retours d’expérience d’autres pratiquants sur les réseaux sociaux dédiés sont autant de sources précieuses pour évaluer la situation. Une fois sur place, l’observation attentive du terrain et l’évaluation continue des risques doivent guider chaque décision.

La capacité à renoncer, à modifier son itinéraire ou à faire demi-tour représente probablement la compétence la plus précieuse en montagne, bien plus que la performance physique ou technique. La différence entre les massifs doit également être prise en compte, comme l’a souligné le maire de Talloires-Montmin : « On n’est pas dans le massif du Mont Blanc, les gens qui viennent chez nous ne sont pas habitués à venir avec crampons et piolet ». Cette remarque pointe un phénomène courant : la sous-estimation des risques dans des massifs considérés comme « accessibles » ou « faciles » comparés aux géants alpins environnants.

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Quentin, 26 ans, passionné de trail : suivez mes aventures au cœur des sentiers, entre défis sportifs et communion avec la nature.

2 réflexions sur “Deux traileurs décèdent dans le Massif de la Tournette après avoir glissé”

  1. Bonjour Quentin,
    Merci pour cet article détaillé.
    Je suis une des deux « randonneuses » citée dans les différents articles de presses, qui comportent d’ailleurs quelques erreurs certainement duent à leur brièveté.
    Nous étions 3, le trentaine plus que la vingtaine, également en sortie trail, l’une d’entre nous n’est pas tombée et a pu appeler les secours. Nous sommes encore traumatisées par les événements. La nouvelle des décès successifs dans le secteur après notre accident nous a d’autant plus touché.
    Merci pour cet article complet qui explique la façon dont la montagne au printemps peut devenir extrêmement piégeuse. Le névé en question avaient des traces de plusieurs passages, ce qui ne nous a pas alerté. Il était effectivement complètement gelé en son centre. Quand nous avons décidé de faire demi tour c’était déjà trop tard …
    Toutes mes pensées aujourd’hui vont aux deux traileurs qui n’ont pas eu notre chance, ainsi qu’à leurs familles endeuillées.

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